Ex antiquitate renascor, pourrait-il être prétendu à l’heure où le musée Narbo Via semble bien en mesure de révéler à nos contemporains ce que fut la grandeur de l’histoire de l’antique capitale narbonnaise. L’absence de restes spectaculaires constituait ici comme une humiliation et un déni.
A l’heure triste où Michel Gayraud nous quitte, nous ne pouvons qu’être saisis d’un très profond sentiment de reconnaissance, car l’abondante utilisation qui a pu être faite de son apport a été l’élément essentiel de la constitution du nouveau musée de la renaissance de Narbo Martius. Sa thèse magistrale publiée en 1981 fut notre pierre d’angle, sans compter ses autres travaux et publications…
Dès lors que nous pûmes concevoir, grâce à l’appui résolu de Georges Frêche, le projet de création d’un grand musée des antiquités narbonnaises qui s’imposait, nous sentions que l’heure était venue de franchir cette nouvelle étape de notre histoire culturelle. L‘état de la recherche historique le permettait, et nous nous sommes tournés vers lui lors de la mise en place d’un comité scientifique auquel il adhéra sans réserve. Echanges de vues, conseils avisés, présence engagée, ont eu lieu jusqu’à la fin de cette première étape de l’aventure.
Parmi tant de choses à dire en l’occasion présente, je voudrais privilégier tout ce qu’il nous a fait découvrir sur les populations qui nous ont précédés sur cette terre narbonnaise. Il fut, en effet, le grand révélateur de l’importance unique de l’épigraphie narbonnaise gravée sur l’énorme lapidaire qui constitue la colonne vertébrale impressionnante du musée. De ces blocs mis à l’abri après 1870 par la Commission Archéologique de Narbonne, il a pu extraire d’innombrables renseignements sur les humains d’ici, leurs origines, leur organisation sociale, leurs parentés, leurs modes de vie, leurs métiers. Depuis les tribus originelles venues d’Italie, jusqu’aux communautés orientales et autres établies à titres divers dans la cité, grâce à lui nous pouvons nous sentir presque proches de tout un monde vivant, au-delà de son expression funéraire.
C’est tout ce peuple qui fit de Narbonne ce lieu florissant d’activités économiques, agricoles et commerciales, et qui ne cessa jamais d’être une capitale, même dans les périodes de déclin, et ce, grâce au souvenir toujours entretenu. Aujourd’hui, assurée par ce souvenir, cette ville peut rectifier son destin, car elle possède une telle référence !
Mais, dans tout cela, on peut deviner combien Michel Gayraud a été plus qu’un scientifique et combien son apport n’est autre qu’une grande amitié à quoi le prédisposait son esprit délicat et attentif. Privé qu’il fut, en raison de l’inexorable trajet de la maladie, de voir l’inauguration de Narbo Via, nous l’inscrivons de tout cœur dans les fastes de ce musée qui lui doit tant. Je sais bien qu’il avait faite sienne cette phrase, mise en tête de sa thèse, extraite de la Vita Pauli :
Erat tunc Narbona omium Galliarum civitatum nobilissima. civitas narbonensis, filia Romae.
Jacques MICHAUD
Président du Comité scientifique de Narbo Via,
Président de la Commission Archéologique de Narbonne.
- Dates
- Du 22 octobre 2022 au 23 octobre 2022